La Libre | Agnès Flémal: « Les femmes vont toujours se demander si elles sont légitimes »
Article15 February 2020

Vous parlez souvent, à propos des entrepreneurs qui passent par le WSL, de "communauté". Quel est le profil type de cette communauté ?

Un homme blanc, âgé de plus de 35 ans, avec une formation d’ingénieur civil. C’est soit un doctorant, soit une personne qui fait de la recherche, soit qui a déjà travaillé durant quelques années en entreprise et qui veut promouvoir une technologie. Le côté très masculin de nos membres est directement lié au fait qu’il y a très peu de femmes dans la filière Stem (à ce sujet, lire notre article ci-contre). Chez les ingénieurs civils, on reste encore sous la barre des 20 % d’étudiantes, ce qui est assez affligeant. La bonne nouvelle, c’est qu’elles réussissent mieux que les garçons ! Je suis donc contente de voir que ma nièce a commencé des études d’ingénieur. (rire)

Avez-vous observé une évolution positive entre 2002 et aujourd’hui ?

Oui, mais petite et assez symbolique. Je vois que davantage d’étudiantes participent au programme StarTech qui vise à développer l’esprit d’entreprendre chez les étudiants ingénieurs de Wallonie et qu’elles sont plus ouvertes à l’entrepreneuriat.

Vous avez fait, vous-même, des études d’ingénieur civil. Comment expliquez-vous le manque d’intérêt des filles pour ce type d’études ?

On doit tout de même se rappeler que, dans les années 1950, l’informatique était une affaire de femmes. À l’époque, 60 % des diplômés en informatique étaient des femmes. Ce sont elles, par exemple, qui sont à l’origine du Cobol (langage de programmation créé en 1959, NdlR). Là où les femmes ont raté le coche, c’est durant les années 1980 avec l’explosion de l’industrie des jeux vidéo. On a alors assisté à une chute du nombre de filles dans les études et les métiers de l’informatique. On n’est jamais parvenu à redresser la barre. Ce qui est effrayant, c’est de voir la mentalité de parents qui, aujourd’hui encore, continuent à penser que les études d’ingénieur civil ne sont pas faites pour les filles !

Quelle est la part de femmes parmi les 65 à 70 start-up que vous accompagnez actuellement ?

Tout compris, c’est-à-dire en intégrant les employés de ces start-up., c’est moins de 10 %. Si je me limite aux dirigeantes, on tombe à 5 %.

C’est quoi le problème ?

C’est le sentiment d’imposture. Les femmes vont toujours se demander si elles méritent d’être là, si elles sont légitimes. Cela vous fera peut-être sourire mais je me pose encore régulièrement la question. Cela fait partie de l’ADN féminin. Contrairement aux hommes, nous ne sommes pas drivés par l’ego, mais par le besoin d’être utiles.

La diversité de genre est-elle un "plus" dans les projets que vous examinez ?

Des études démontrent que les conseils d’administration composés d’au moins 40 % de femmes sont des CA plus efficaces ou que les entreprises avec une CEO à leur tête depuis plusieurs années génèrent plus de valeur. J’ai été longtemps opposée aux quotas de femmes dans les entreprises.

Mais j’ai fini par changer d’avis. Si on n’impose pas un minimum de choses, ça ne bouge pas.

Imposer des quotas dans les start-up tech, c’est plus compliqué…

Oui. D’autant plus que le problème réside en amont, à savoir le manque de femmes qui ont fait des études d’ingénieur. Si on veut y remédier, il faut agir dès l’enseignement primaire. On pourrait aussi pousser les femmes, notamment celles qui sont passées dans un programme tel que StarTech, de s’impliquer davantage dans l’entrepreneuriat.

Quels sont vos "modèles inspirants" aujourd’hui ?

Les femmes qui entreprennent dans la tech ou le numérique se mettent peu en avant. Si je dois en citer trois, je dirais Valérie Viatour (fondatrice et managing partner de Chiveo, société de data analytics du groupe Micropole), Clémentine François (cofondatrice de Phasya) et Lara Vigneron (fondatrice et manager du WeLL, living lab wallon dédié à l’e-santé).

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